« J’essaie de retrouver la lecture naïve et créative de l’enfance »

Photo de Régine Detambel par Babelio

Livres papiers, ebooks, mangas, comics… Nous lisons tout le temps et des choses très différentes sans imaginer tout ce que nous y gagnons. Régine Detambel a consacré sa carrière à cette question. Bienvenue dans le monde de la bibliothérapie.

« Je ne serais jamais tombée amoureuse si je n’avais pas lu À la Recherche du temps perdu », écrivait la psychanalyste Catherine Millot. La lecture fait partie intégrante de nos vies intellectuelles. Une étude publiée par le CNL (Conseil National du Livre) en janvier 2019 révélait ainsi que 88 % des Français, se déclarent lecteurs. Toutefois, bien que le livre fasse partie intégrante de notre quotidien, nous ne soupçonnons pas l’étendu du bien qu’il peut nous apporter. Régine Detambel a fait le choix de l’inclure dans un processus thérapeutique pour accompagner ses patients. Elle est une bibliothérapeute. Ce concept, apparu en 1961, renvoie à des pratiques plus anciennes. Nous pouvons toutefois en identifier la pionnière : Sadie Peterson Delaney, une bibliothécaire qui soutenait, par des lectures choisies, des soldats américains traumatisés par la Grande Guerre en 1916. En ces temps de confinement, Régine Detambel anime des groupes de lectures en ligne. « J’arrive avec mes lecteurs bénévoles auprès de personnes isolées. Cela permet de renouer un lien vital par la lecture » explique-t-elle

Pour une bibliothérapie créative

« Je défends une bibliothérapie qui place le patient au cœur du dispositif et qui ouvre vers une certaine créativité des personnes », commence-t-elle. « Créativité », le maître-mot surgit très vite. La thérapie de Régine Detambel nourrit l’ambition de stimuler les capacités créatrices des personnes. Elle se distingue ainsi des praticiens anglo-saxons tournés vers le bibliocoaching, qui prescrivent des lectures à leurs patients. « Les solutions sont peut-être dans les livres, oui, mais je veux les atteindre d’une manière plus créative que cela », développe-t-elle. Pour ce faire, elle organise des lectures à voix haute ou incite les patients à écrire eux-mêmes pendant les séances. Selon elle, notre créativité souffre d’un étouffement très tôt dans notre vie alors qu’elle est le ressort de notre santé psychique. Avec un sourire dans la voix, elle explique : « je cherche à recréer la lecture que nous pratiquions quand nous étions enfants, la joie de la découverte ».

Vers une lecture libre de carcans

Malgré son ton pédagogue, Régine Détambel ne se veut pas professeure. « Je m’éloigne de tout ce qui est scolaire car il y a un blocage avec le livre. L’objet est perçu comme servant à la seule médiation avec l’enseignement » décrit-elle. Ancienne kinésithérapeute, elle oppose à la lecture éducative, une lecture corporelle. Lire à haute voix et debout permet, en effet, une action en pleine conscience, sous sommes alors attentifs à notre respiration, aux mouvements de notre langue et cela permet la relaxation. Régine Detembel conserve également un regard critique sur le corpus littéraire de l’enseignement. « Les représentations sociales stéréotypées sont construites dans le beau répertoire de la littérature française. Moi, j’ai jeté mes livres scolaires pendant l’adolescence, en tant que jeune fille et future femme je ne m’y retrouvais pas ».

Alors qu’elle s’apprête à retourner préparer son prochain groupe de lecture, elle lance un dernier conseil : « Lisez pour les autres surtout. À vos enfants, conjoints ou conjointes, vos amis, la voix humaine est chaude, faites-en profiter vos proches. »

Gabriel Thibeau

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